Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
zumeurs...
11 mai 2011

Jehan-Rictus, un chti ?

 


Impressions de… promenade !
 
Baigneuses

Quand j’pass’ triste et noir, gn’a d’quoi rire.
Faut voir rentrer les boutiquiers
Les yeux durs, la gueule en tir’lire,
Dans leurs comptoirs comm’ des banquiers.

J’les r’luque : et c’est irrésistible,
Y s’caval’nt, y z’ont peur de moi,
Peur que j’ leur chopp’ leurs comestibles,
Peur pour leurs femm’s, pour je n’sais quoi.

Leur conscienc’ dit : “Tu t’soign’s les tripes,
“Tu t’les bourr’s à t’en étouffer.
“Ben, n’en v’là un qu’a pas bouffé !”
Alors, dame ! euss y m’prenn’nt en grippe !

Gn’a pas ! mon spectr’ les embarrasse,
Ça leur z’y donn’ comm’ des remords :
Des fois, j’ plaqu’ ma fiole à leurs glaces,
Et y d’viennent livid’s comm’ des morts !

Du coup, malgré leur chair de poule,
Y s’ jett’nt su’ la porte en hurlant :
Faut voir comme y z’ameut’nt la foule
Pendant qu’ Bibi y fout son camp !

“— Avez-vous vu ce misérable,
“Cet individu équivoque ?
“Ce pouilleux, ce voleur en loques
“Qui nous r’gardait croûter à table ?

“Ma parole ! on n’est pus chez soi,
“On n’peut pus digérer tranquilles...
“Nous payons l’impôt, gn’a des lois !
“Qu’est-c’qu’y font donc, les sergents d’ville ?”

J’suis loin, que j’les entends encor :
L’vent d’hiver m’apport’ leurs cris aigres.
Y piaill’nt, comme à Noël des porcs,
Comm’ des chiens gras su’ un chien maigre !

Pendant c’temps, moi, j’file en silence,
Car j’aim’ pas la publicité ;
Oh ! j’connais leur état d’santé,
Y m’ f’raient foutre au clou... par prudence !

Comm’ça, au moins, j’ai l’bénéfice
De m’répéter en liberté
Deux mots lus su’ les édifices :
“Égalité ! Fraternité !”

Souvent, j’ai pas d’aut’ nourriture :
(C’est l’pain d’l’esprit, dis’nt les gourmets.)
Bah ! l’Homme est un muff’ par nature,
Et la Natur’ chang’ra jamais.

Car, gn’a des prophèt’s, des penseurs
Qui z’ont cherché à changer l’Homme.
Ben quoi donc qu’y z’ont fait, en somme,
De c’ kilog d’ fer qu’y nomm’nt son Cœur ?

Rien de rien... même en tapant d’ssus
Ou en l’prenant par la tendresse
Comm’ l’a fait Not’ Seigneur Jésus,
Qui s’a vraiment trompé d’adresse :

Aussi, quand on a lu l’histoire
D’ceuss’ qu’a voulu améliorer
L’genre humain..., on les trait’ de poires ;
On vourait ben les exécrer :

On réfléchit, on a envie
D’beugler tout seul “Miserere”,
Pis on s’dit : Ben quoi, c’est la Vie !
Gn’a rien à fair’, gn’a qu’à pleurer.


Gabriel Randon, dit Jehan-Rictus, né à Boulogne-sur-Mer le 23 septembre 1867 et mort à Paris le 6 novembre 1933, est un poète français, célèbre pour ses œuvres composées en langue populaire — Via WikiPedia.


Publicité
Commentaires
zumeurs...
Publicité
zumeurs...
Visiteurs
Depuis la création 151 084
Publicité