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26 juin 2011

Nouvelle


Le miroir fanstatique de… quatrième !
 
Miroir

Le taxi m’amenait vers le manoir de l’ami de mon père, monsieur Sam Kass. A travers la pluie battante, et grâce aux flashs aveuglants des éclairs, je distinguai une vague forme sinistre et sombre se dressant sur une butte de terre volumineuse. Le genre de maison à vous faire frissonner de la tête aux pieds sans véritable raison. Le paysage aux alentours n’était que forêts sans feuille et prairies à l’herbe morte luisante d’eau. L’automne ici aurait déprimé n’importe qui. Je vis, lorsque le taxi me déposa, que mon hôte m’avait attendu devant sa résidence secondaire malgré l’heure tardive. Le manoir ressemblait à un château regroupant le style architectural du Moyen Âge et celui de la Renaissance : de grandes baies vitrées s’ouvraient sur le ciel en furie et les pièces semblaient spacieuses mais la disposition du bâtiment et sa constitution, de grosses pierres taillées, appartenaient bel et bien au temps moyenâgeux. Un homme, la quarantaine, aux cheveux courts grisonnant aux tempes et au visage tanné par le soleil des zones de fouilles, s’avança vers moi avec un parapluie tandis que je payais la course du taxi. Monsieur Kass. Il prit mon seul et unique bagage en me souhaitant la bienvenue et nous rentrâmes dans l’imposant manoir. Voyant mon extrême fatigue, il me guida à travers la grande demeure jusqu’à ma chambre. En traversant le manoir je constatai qu’il servait plus de musée qu’autre chose : les grandes pièces étaient encombrées de peintures, sculptures, toutes sortes de tissus et des restes momifiés de toutes les époques ! Cet homme était vraiment un passionné. D’où son métier de chercheur. Monsieur Kass ouvrit une porte qui donnait sur une chambre spacieuse. Mais encombrée, elle aussi, ce qui diminuait nettement l’espace. Mon hôte me proposa d’aller me chercher à manger mais je refusais poliment en contenant avec peine mes bâillements et mes paupières qui se fermaient toutes seules. Le chercheur prit alors congé et sortit de la maison. Malgré la pluie qui ricochait sur les fenêtres et le bruit assourdissant des éclairs, j’entendis sa voiture démarrer et quitter le sinistre manoir par la route de graviers. Lorsque je fus sûre qu’il fut parti, je fermai ma porte et me jetai toute habillée dans mes couvertures. Un sommeil de plomb s’abattit aussitôt sur moi. Je me réveillai en sursaut. Un bruit ? Seulement le doux crachin de la pluie. Elle s’était calmée tout comme l’orage qui ne produisait plus que quelques faibles grondements. Les flashs lumineux projetaient des ombres étranges sur les objets. Les déformant et leur donnant presque la vie. Ma gorge se serra, mon estomac se noua. Pourquoi ? Je n’éprouvais aucune peur. Lentement, le malaise se diffusa en moi tel une odeur nauséabonde. Un chuchotement. Faible. Presque inexistant. Mon nom. -Sélie…. Maintenant j’avais peur, pire même, j’étais angoissée. Qui se dissimulait dans la maison ? Quelqu’un serait entré ? Qui ? Pourquoi ? Comment connaissait-il mon nom ? -Sélie… rejoins-moi… Je me levai, terrifiée. Je cherchai à tâtons l’interrupteur du lustre. Ma main l’actionna lorsqu’elle le sentit. Le noir entrecoupé d’éclairs persista. Le courant avait sauté. -Sélie… j’ai besoin de toi… Derrière la porte. De la sueur, froide, chatouilla le haut de mon échine et coula lentement le long de mon dos. Qu’est-ce que cela pouvait-il bien être ? En tremblant de tous mes membres, je tournais la poignée. Lentement. Pour couper court rapidement à ma terreur naissante, j’ouvris la porte à la volée. Personne ! Que… -Par ici…Sélie… La terreur un instant retombée m’envahit, me saisit et me fit trembler violemment. Ma conscience me dicta de reculer et de m’enfermer à double tour mais une force invisible, impalpable et implacable m’obligea à avancer. Où ? Je l’ignorais. J’étais trop occupée à essayer de retrouver la maîtrise de mon corps. Chose complètement impossible ! Tandis que mon esprit se murait dans l’horreur de la situation, mon corps, lui, continua son périple pour s’arrêter devant un miroir. Un miroir noir aux moulures complexes. Un miroir horrible et effrayant. Un miroir de film d’horreur. Je me débattis intérieurement avec plus de vigueur, celle que donne la détresse. Mon effroi retomba peu à peu en même temps que la maîtrise de mon corps revenait et je bougeai mes membres dans tous les sens pour vérifier que j’avais retrouvé le contrôle total de ma petite personne. Quelque chose attira mon regard dans le miroir. Je regardai mon image. Qu’y avait-il d’étrange ? Rien, à vu d’œil. Je souris de soulagement. Soulagement qui fut de courte durée. Le reflet. Il n’avait pas bougé d’un millimètre. Il se contentait de me fixer d’un œil vide. Cette nuit était un cauchemar ! Je déglutis difficilement. Je sentis mon sang refluer hors de mon corps. Une épouvante sans nom écrasa toutes mes pensées, me domina toute entière et me paralysa. Tout mon être se tendait vers un mot. Fuir ! Malgré moi, je restais debout, immobile, figée comme la pierre. Mon cœur se mit à battre la chamade dans le silence vaguement entrecoupé par le tonnerre dont j’avais à peine conscience tant mon esprit était attiré par l’objet diabolique face à moi. Soudain, le reflet s’agita de lui-même ! Je fut frappée d’horreur lorsque l’autre moi me fit un sourire… à glacer le sang. La fine main de mon double se tendit vers moi…je hoquetai : elle commençait à sortir de la glace ! Une bizarre impression de chaleur intense et de froid absolu m’envahit, variant toutes les secondes, faisant accroître à une vitesse stupéfiante une terreur intense. La peur indicible qui me faisait tenir debout se décupla avec une violence inouïe, me faisant m’écrouler à terre telle une poupée de chiffon. La main qui sortait du miroir n’était plus comme la mienne, plus elle sortait plus elle devenait épaisse, large et masculine. Une main gantée de cuir marron. Incontestablement, une main d’homme ! De la main s’en suivit le bras et le corps tout entier ! Mon estomac s’agita de violents soubresauts. C’était un jeune homme aux cheveux brun clairs tombant dans des yeux de la même teinte au visage fin, presque féminin, et un nez droit, délicat, aquilin…parfait. Un Apollon tombé sur terre ! Comment avais-je pu avoir peur de lui ? C’était un visage si séduisant, si parfait, que l’on ne pouvait s’empêcher de tomber instantanément et irrémédiablement amoureux de lui. Il portait une sorte de cape à col large et montant toute aussi marron que ses cheveux, mais légèrement plus foncée, sur une chemise blanche et un pantalon près du corps brun foncé et des bottes montantes noires. Quelque chose me fit tiquer dans son apparence. Ses oreilles. Des oreilles pointues ! Il s’approcha de moi et me sourit en me tendant une main pour me relever. Une bouffé de chaleur m’inonda telle une vague puissante. En cet instant, quoi qu’il m’aurait demandé, je l’aurais fait. Une petite partie de mon cerveau me cria de faire attention, de me méfier de cet homme si splendide car, après tout il sortait d’une glace ! Mais cette partie insignifiante fut vite écrasée car toute pensée rationnelle avait déserté mon crâne. Tout mon être était tourné vers l’Apollon. J’acceptai son aide et saisis sa main après un bref instant d’hésitation. La douceur de ce contact me fit perdre pied et me noya dans un océan de bonheur… c’est alors qu’il m’attira à lui. Son souffle brûlant mais si suave m’effleura la joue. Tout mon être fut traversé d’une décharge électrique… tellement… agréable ! La minuscule partie de mon cerveau tenta de se faire entendre, de proférer ses avertissements mais je la réduis à néant. Au diable la prudence ! Qu’est-ce qu’un homme si divinement parfait pouvait avoir de mal ? Rien ! Ses lèvres effleurèrent les miennes et il me murmura : -C’est l’heure… Damoiselle Sélie… C’est l’heure…  Sa voix si sensuelle liquéfia mes genoux. Une voix si grave et si douce à la fois.. ; tout aussi parfaite que son propriétaire…L’imposante pendule du hall sonna douze coups retentissants. Minuit. Un instant je repris vainement le fil de mes pensées : L’heure de quoi ? Comment connaissait-il mon nom ? Mais mon corps reprit le dessus aussi rapidement qu’il l’avait perdu : Peu importe les questions ! Tout ce que je voulais, c’était passer mes doigts dans ces cheveux si soyeux et lumineux, dessiner le contour de sa mâchoire… Il déplaça ses lèvres le long de mon coup et il s’arrêta à sa base. Je frémis de plaisir. Soudain une douleur intense et cruelle me traversa comme du feu ardent. Il m’avait mordu. Il m’avait mordu ! Il m’avait mordu… sauvagement…pourquoi ? Ma vue se brouilla, mon estomac s’agita par à-coup à cause de l’odeur du sang toute proche, et mes lèvres formèrent un mot, unique, contenant toute ma souffrance : Pourquoi ? Je sombrai dans le vide de l’inconscience tandis que je sentais mon sang couler dans sa gorge. La partie de mon cerveau que j’avais ignorée cria sa victoire : elle avait eu raison, j’aurais dû l’écouter. Le visage du traître se leva et je discernais malgré le brouillard qui m’entourait sa bouche ensanglantée tordue dans un sourire tendre. Ce fut la dernière image que j’eus de ce jeune homme vil et trompeur. Je perdis connaissance.

Je me réveillai brusquement d’un sommeil agité de cauchemars insolites, en sueur. Que s’était-il passé ? Les rayons de l’aube filtraient à travers les rideaux tirés. Un ma de tête horrible me submergea en même temps qu’une flopée de bribes de souvenirs : l’appel… le miroir… mon double…et … Je regardais avec horreur mes mains crispées sur les couvertures. Et l’homme. Cet homme, ce démon venu de nulle part et repartit de la même manière. Qui était-il ? Que faisait-il là ? Etait-il au moins réel ? Je tâtai mon cou avec prudence : deux trous. Deux trous parfaitement symétriques. Deux trous d’où partait une fine coulée de sang séchée. Serait-ce… ? Impossible ! Inimaginable ! Les vampires n’existent pas ! En entendant l’horloge du salon sonner huit heures, je m’affolais de mon retard et je filai me préparer pour la conférence de monsieur Kass. Je sortis en laissant toutes mes interrogations de côté pour pouvoir y penser à tête reposée. Même durant le trajet du manoir à l’amphithéâtre je m’interdis d’y penser. Au bout d’une demi-heure, j’entrai dans l’immense amphithéâtre récemment refait où se déroulaient les plus grandes conférences sur l’histoire de la région. En saluant distraitement quelques personnes que je connaissais vaguement, je pris place parmi les fauteuils et attendis avec appréhension le début de cette longue matinée. Enfin, tout s’éteignit et l’estrade où se tenait monsieur Kass fut braquée de projecteurs. Il entama un discours pompeux de bienvenue et entra dans le vif du sujet qu’au moins vingt minutes plus tard. C’est alors qu’une photo, ou plutôt une peinture, apparut sur l’écran, dans son dos. Un jeune homme. Le jeune homme ! -Mesdames et messieurs, je vous présente mon ancêtre le comte Michael-Edouard du LacSombre, qui fut brûlé vif pour hérésie mais qui contribua à l’édification de… Mais je n’écoutais déjà plus, toute mon attention focalisée sur l’écran. Que c’était-il passé la nuit dernière ? Rêve ou réalité ? Je serrai les poings avec détermination : je n’aurais de cesse de trouver la clef du mystère de cette étrange nuit !

Fin

Dans le cadre d’une séquence consacrée à l’étude du genre fantastique, nous avons été amenés à écrire une nouvelle fantastique, à mettre en pratique cette “rhétorique de l’hésitation” (Tzvétan Todorov).

Voici une nouvelle — Le Miroir (2009) — écrite par Camille Barnaud. La classe de quatrième “Le miroir”, nouvelle fantastique, via le collège.


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