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zumeurs...
14 novembre 2009

Écritures encore


Anthologie… permanente !

Oiseau Oh dis-moi. Dis-moi. Où vas-tu toi dont la tête est une fontaine rouillée. Qui partagera avec toi l’amertume du temps au crépuscule. Les poteaux électriques sont à présent tout ce qui reste debout. Une bouchée de pain ne saurait apaiser cette faim. Pas plus que la poésie dissiper les ténèbres qui avaient l’eau de tes yeux. Garde pour demain ta dernière larme car tout alors sera sec en toi. Qu’as-tu fait pour en arriver ainsi à ton propre enfer. Ne peigne pas tes cheveux afin que la mort ait de quoi s’amuser. Et n’ajoute pas un mot : le silence le dévorerait après ton départ.

La maison du vieux poète est au bout de l’œil. Les chiens sourds n’aboient que piqués par les mouches. La terre s’incline un peu vers l’autre côté-là où passent les rares cortèges funèbres. Nul ne sort de sa maison enterrée sur terre. Car la canicule boit l’eau des visages. Nul ne sait  que la maison du vieux poète se trouve là. Car personne ne connaît personne

Les gens disent que la pluie avait gonflé la porte du vieux et que c’est pourquoi il n’a pas entendu les coups de la fille en fuite devant le serpent qui avait léché une goutte du sang de ses règles tombé d’elle quand elle s’était penchée pour écarter l’escargot au bord de passer sur la file de fourmis en train de contourner l’œil d’un crâne de chien

Mais sait-on que l’aboiement du chien du gardien va réveiller les poètes endormis dans les champs de coton qu’assiègent les épines du silence. Et que cette vague aveugle va effacer un peu du trait de l’horizon. Et que le froid venu des os des côtes gonflera les blancs laissés par les mots dans les livres morts du vieux

Mais là-bas tu peux écouter la radio du matin ou le cri de la boiteuse parce que l’homme de la nuit a mordu le mamelon de sa fille ou le grignotement de la souris dans le cartable de mon neveu ou mon propre cri parce que ma tante presqu’aveugle a déchiré le cahier des poèmes afin de rallumer le brasier qu’a mouillé la pluie coulant par les trous du zinc ou t’enfuir

Anthologie permanent — Abdallah Zikra, extraits de Échelles de la métaphysique (trad. de l’arabe par Bernard Noël et l’auteur, L’Escampette, 2000, pp. 77, 94, 96, 97, 98.

Via Poezibao !


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