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zumeurs...
8 août 2010

Fantôme d′antan !


Une histoire de fantôme… pas toute jeune !
 
Bal hanté

Nos loisirs nous offrent à moi le moyen de m’instruire, à vous celui d’enseigner. Aussi voudrais-je vraiment savoir si vous croyez à l’existence des fantômes, si vous pensez qu’ils ont une forme propre et une sorte de pouvoir, ou si étant sans consistance et irréels, c’est notre crainte qui leur prête quelque consistance.
Quant à moi, ce qui m’incite plus que tout à croire à leur existence, c’est ce que j’entends dire de l’aventure survenue à Curtius Rufus. Encore obscur et inconnu, il s’était attaché à celui à qui échut le gouvernement de l’Afrique. A la tombée du jour, il se promenait sous un portique quand se présente à sa vue une femme, d’apparence humaine, plus majestueuse et plus belle que nature; il est frappé de frayeur et la femme lui dit qu’elle est l’Afrique et vient lui prédire l’avenir : il ira à Rome, il y occupera de hauts emplois et reviendra ensuite, chargé d’une haute fonction dans cette province où il mourra. Et a en fut bien ainsi en tous points.
Une autre fais, abordant à Carthage et y débarquant, il vit, dit-on, la même figure venir à lui sur le rivage. En tous cas, il tomba malade et, jugeant de l’avenir par le passé, du malheur menaçant par l’heureux sort passé, il perdit tout espoir de guérir, contre l’attente de tous les siens.
Mais n’est-ce pas encore quelque chose de plus épouvantable et de non moins surprenant que l’histoire que je m’en vais vous conter telle que je l’ai entendue ?
Il y avait à Athènes une maison vaste mais de mauvaise réputation et hantée. Dans le silence de la nuit, on y entendait le son de fer et le bruit de chaînes, d’abord lointain, ensuite de plus en plus proche. Bientôt apparaissait un spectre, vieillard rempli de maigreur et de saleté, la barbe hirsute, les cheveux hérissés. Il portait des chaînes aux pieds et des fers aux mains et il les secouait. De là, pour les habitants des nuits affreuses et angoissées se passaient sans dormir dans la crainte. La maladie suivait les veilles, et la crainte s’accroissant, la mort arrivait. C’est pourquoi la maison abandonnée et condamnée à la solitude était laissée tout entière à ce fantôme. Cependant il y avait un écriteau soit pour la louer soit pour la vendre à quelqu’un qui ignorait une telle situation.
Le philosophe Athédonore vint à Athènes, lut l’affiche, s’enquit du prix et sa modicité le mit en méfiance; s’étant renseigné, il est mis au courant de tout et malgré cela, ou mieux à cause de cela, il loue cette maison. Quand il commença à faire nuit, il ordonne que soit étendu pour lui un lit sur le devant de la maison, il réclame de petites tablettes, un stylet et de la lumière; il ordonne aux siens de se retirer à l’autre bout de la demeure et lui, il applique son esprit, ses yeux et ses mains à écrire pour que son esprit vide ne s’imagine des bruits de fantômes et de vaines craintes. Au début, comme partout ailleurs, le silence de la nuit; ensuite des fers sont entrechoqués, des chaînes se heurtent. Athénodore ne lève pas les yeux, n’abandonne pas son stylet, mais il fixe son attention et le met en avant (l’oppose) à ses oreilles. Alors le bruit augmente, s’avance et déjà il l’entend sur le seuil et déjà à l’intérieur.
Il se retourne, reconnaît l’apparition qu’on lui avait dépeinte. Elle se tenait debout et faisait un signe comme si il voulait appeler. A. par contre lui signifie de la main d’attendre un peu et de nouveau se penche sur son stylet et ses tablettes. L’apparition fait retentir ses chaînes au-dessus de la tête de l’écrivain. Mais il regarde de nouveau (l’apparition) faisant les mêmes signes qu’auparavant et ne s’attardant plus, il emporte la lumière et le suit. Il allait d’un pas lent comme s’il était alourdi par les chaînes. Après qu’il soit parvenu dans la cours de la maison, tout à coup évanoui, il abandonne son compagnon. Abandonné, A. amasse les herbes et les feuilles et les place comme signe pour l’endroit. Le lendemain il se rend auprès des magistrats et demande qu’on creuse cet endroit. On y trouve des os enserrés par des chaînes. Rassemblés publiquement, ils sont enterrés, la maison, une fois les mânes enterrées selon les rites, ne fut plus hantée.
Je me fie à autrui pour croire cela; voici ce que je puis demander à d’autres de croire. Je possède un affranchi qui ne manque pas de culture. Il partageait son lit avec son frère cadet, lorsqu’il lui sembla voir quelqu’un, assis sur son lit, approcher de son crâne des ciseaux et lui raser les cheveux jusqu’au sommet du crâne; au jour, on constata qu’il était bien tondu de cette façon et l’on découvrit par terre des cheveux. Après un certain temps, la même aventure se reproduisit de la même façon; le jeune esclave reposait, avec plusieurs compagnons, dans la chambre qui leur est réservée. S′il faut l’en croire, deux hommes vêtus de blanc s’introduisirent par la fenêtre; dans son lit même, ils coupèrent ses cheveux puis sortirent par le même chemin; le jour permit de voir qu’il était bien tondu et que ses cheveux jonchaient encore le sol. Il n’en résulta rien de plus, si l’on accepte le fait que j’échappai aux tristes suites d’une mise en accusation, grâce à la mort de Domitien, sous l’empire de qui arriva cette aventure; on trouva en effet dans ses papiers une requête contre moi, de la, main même de Carus ; de là, on peut conjecturer que, la coutume des accusés étant de négliger leur chevelure et de la laisser croître, le fait d’avoir coupé les cheveux à mes gens marquait que tout danger était passé pour moi.
Pour en finir, mettez en œuvre, je vous en prie, toute votre science. L’affaire est bien digne de requérir votre attention profonde et persévérante et moi, je suis bien digne de recevoir les secours de vos lumières. Si selon votre coutume, vous balanciez entre le pour et le contre, faites pourtant pencher la balance d’un côté ou de l’autre, afin de ne pas prolonger mon doute et mon incertitude, car je vous consulte justement pour ne pas douter plus longtemps. Adieu.

Source: Pline le Jeune (en latin Caius Plinius Caecilius Secundus) est un écrivain et homme politique romain né autour de 61 à Côme dans le nord de l'Italie et mort autour de 114, sûrement dans la région de Bithynie. Il vécut ainsi sous les règnes de cinq empereurs successifs : Vespasien, Titus, Domitien, Nerva et Trajan. — Via WikiPedia.


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